PIROUETTES

 

« Okapi : Parlez-nous de votre grande spécialité: la pirouette. 

Nicole Hassler : -C’est vrai, je tour­nais à des vitesses faramineuses, et je n’ai jamais été battue dans le nombre de tours: j’en faisais 70 ou 80. 

Mais il y a un gros inconvénient à ce genre de record : tout votre sang va aux extrémités, dans les doigts. Ça fait mal. J’avais des plaques de sang sur les bras. Aujourd’hui, à cause de cette folie de pirouettes, j’ai des problèmes de circulation. 

Pourquoi cette passion des pi­rouettes? Quand j’étais gamine, mon père, qui était aussi mon entraîneur, m’avait dit qu’il me donnerait 1 franc à chaque fois que je ferais dix tours de plus. Avec 1 franc, à l’époque, on pouvait s’acheter un tas de trucs. 

Bien souvent, je m’entraînais dans des patinoires découvertes, par – 25°. Pour me réchauffer, hop ! une pi­rouette. Je tournais une jambe tendue en l’air, le sang affluait au bout. Mais comme je ne savais tourner que d’un côté, je me réchauffais toujours le même pied. L’autre restait glacé. 

Okapi : Comment retrouve-t-on ses esprits après de telles pirouettes ? 

Nicole Hassler : Au début, c’était terrible. Lorsque je m’arrêtais, j’étais instantanément plaquée au sol. J’étais foudroyée, comme par un aimant géant. A chaque fois que j’essayais de me relever, j’étais plaquée sur la glace. Je me faisais horriblement mal … Finalement, je me suis aperçue que je devais attendre que la balustrade cesse de gigoter. Lorsqu’elle redeve­nait horizontale, alors seulement, je pouvais me relever. » (OKAPI, Sept 1986)

FIGURES IMPOSÉES

 

« Parlons un peu de ces figures imposées dont avait dépendu ma victoire. À l’époque où je participais aux compétitions les figures imposées comptaient pour 60%, la première dans cette discipline était presque assurée de remporter la compétition.

Vous avez souvent entendu parler de ces figures imposées qu’on ne montre jamais la télévision. Il s’agit d’effectuer un dessin sur la glace à l’aide de la trace que laisse le patin, c’est de la géométrie à base de cercles. Ces figures se nomment bizarrement : Bracket, Rocker, Trois, Double trois, Contre-rocking, Boucle. Elles ressemblent à des sortes de trèfles, de coeurs circonscrits sur deux ou trois cercles. Ceux-ci s’exécutent sur un pied avec une poussée tous les cercles et demi ou tous les deux cercles. En compétition il faut faire 3 fois le mouvement sur chaque pied. Elles répondent à des dimensions très précises. Il existe 41 figures différentes, un sportif de haut niveau sait toutes les exécuter.

A l’heure actuelle, ces figures ne comptent plus que pour 40% redonnant au patinage libre toute son importance.

Je regretterai toujours de n’avoir pu profiter de cette évolution.

Devant travailler ces figures 5 heures par jour, je devais me lever à 4 heures du matin. A cette heure, la glace est vierge de toutes traces, et l’on peut vérifier la parfaite géométrie des figures. » (Nicole Hassler, oct 1986)

 

« Les imposés ne sont jamais retransmis à la télévision. Il faut dire que c’est tellement insolite. Il faut voir, par exemple, les juges venir en chaussures et à tout petits pas sur la glace pour noter les figures. Parfois, ils se met­tent même à plat ventre pour mieux voir. Parfois même, ils tombent! » (OKAPI, Sept 1986)